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Photo de profil de Charles Voisin

AMERICA, revue de politique américaine.

Directeur de revue

Photo libre de droits. Gage Skidmore. Via Flickr.

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Charles Voisin est journaliste et auteur. Créateur de la Revue America, il commente régulièrement la politique intérieure américaine pour de nombreux médias depuis 2012. Il a publié « Bernie Sanders : Quand la gauche se réveille aux États-Unis » (VA Press, 2020).
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Un parti, deux politiques étrangères

De manière générale, les gouverneurs qui visent la Maison Blanche n’ont pas une aussi bonne connaissance des enjeux internationaux que les sénateurs, un profil que l’on retrouve également très souvent parmi les candidats. Mais, loin d’avoir passé toute sa carrière dans le Sunshine State, DeSantis a été membre de la Chambre des représentants durant presque 6 années. Auparavant, il a été déployé en Irak et à Guantanamo, comme conseiller juridique des Navy Seals, les forces spéciales de la marine américaine qui ont notamment été employées pour l’élimination d’Oussama Ben Laden. De plus, les gouverneurs parlent généralement peu de politique internationale, DeSantis inclus. Néanmoins, récemment, il a développé un discours sur la politique étrangère des États-Unis. Ce qui fait d’ailleurs penser qu’il a bel et bien l’intention de se lancer dans l’arène.

Sur l’Ukraine, les conservateurs américains sont désormais très divisés.

Le GOP est tiraillé entre une ligne reaganienne ou une ligne trumpiste. L’argument de la responsabilité budgétaire et celui de « l’Amérique d’abord » sont en vogue chez les trumpistes. « Plus un centime pour l’Ukraine », « L’argent ira à la défense de la frontière avec le Mexique », a déclaré la passionaria d’extrême droite Marjorie Taylor Greene. On notera que le nouveau Speaker, Kevin McCarthy, s’est rapproché de MJT lors de son élection mouvementée. Election à l’issue de laquelle, soulignons-le, il se trouve à la merci du House Freedom Caucus, le groupe parlementaire formé par le Tea Party. McCarthy a, lui, déclaré « Pas de chèque en blanc pour l’Ukraine ».

Quid de Ron DeSantis ?

S’il n’épouse probablement pas les vues de Marjorie Taylor Greene, Ron DeSantis a considérablement évolué dans son discours sur la guerre en Ukraine.

Dans les pas de Reagan

En 2015, DeSantis adopte la position reagnienne type : « peace through strength », seule une Amérique forte peut dissuader les tyrans d’envahir leurs voisins.

Après l’invasion de la Crimée, il déclare être partisan d’une position reaganienne (« a reaganesque policy of strength » – Fox News, 20 mai 2015). Il est même prêt à envoyer des armes à l’Ukraine, défensives mais aussi offensives, et critique l’inaction de Barack Obama.

Dans une interview déterrée par CNN la semaine dernière, la teneur des propos du représentant à la Chambre est somme toute classique pour un membre du Parti républicain avant l’ère Trump : « Je pense que Vladimir Poutine voit Barack Obama comme étant quelqu’un d’indécis. Cela excite sa propension à créer des troubles dans la région. Si nous armions les ukrainiens, cela enverrait un signal fort, celui de ne pas aller plus loin », clamait-il alors sur les ondes d’un talk show conservateur. Au sujet des armes : « Au Congrès, nous avons, et j’ai moi-même, constamment demandé au président de fournir des armes à l’Ukraine. Ils veulent se battent pour leur juste cause. Ils ne nous demandent pas de se battre pour eux. Le président a catégoriquement refusé. Et c’est une erreur. »

Sur la ligne Trump

Ces derniers jours, Ron DeSantis a nettement changé de ton sur l’Ukraine. Il s’est fortement rapproché du discours « America First ».

Lors de la visite de Joe Biden à Kiev il reprend le slogan de McCarthy : « Un chèque en blanc est inacceptable. » maintient-il sur Fox News. « Je ne pense pas que ce soit dans notre intérêt de se retrouver mêlés à une guerre par procuration (proxy war) – il y a aussi la Chine qui s’implique maintenant – ou à des choses comme la zone frontalière entre la Russie et l’Ukraine, ou encore la Crimée. » Et d’ajouter « Joe Biden est très préoccupé par toutes sortes de frontières dans le monde mais il n’a rien fait pour sécuriser notre propre frontière. »

L’UE pense que ce sont des gesticulations politiques, que le discours traditionnellement conservateur d’opposition à Poutine reste bien ancré chez les républicains et que la raison prévaudra. Il n’empêche que, si au moment d’un prochain vote sur un budget d’aide à l’Ukraine, la base électorale des républicains passe le message suivant à ses élus : “Si vous votez pour ce budget, on se souviendra de vous au prochain scrutin”, on pourra réellement commencer à douter de la permanence de l’aide américaine ou du moins de son étendue.

Enfin, si le tempétueux gouverneur de Floride devient président des Etats-Unis en 2025, l’Elysée fera de son mieux pour oublier ce fâcheux commentaire anti-français tenu en mars dernier à l’Université de Floride du Sud : « Certains pays dans le monde cèdent totalement devant la moindre démonstration de force. Imaginez si Poutine avait été en France. Se seraient-ils battus ? Probablement pas. »

Des propos contradictoires

En mars, Ron DeSantis a de nouveau évoqué de la guerre en Ukraine, parlant cette fois-ci d’un simple « conflit territorial ». Il a corrigé le tir trois jour plus tard, sur le plateau de Piers Morgan, en qualifiant Vladimir Poutine de « criminel de guerre ».