magazine_cover_coming_soon
Photo de profil de Charles Voisin

AMERICA, revue de politique américaine.

Directeur de revue

De très mauvaises nouvelles

Peut-on parler d’un tremblement de terre ? Le sondage publié dimanche dernier par le New York Times est très décevant pour Joe Biden. Le président en exercice perdrait dans 5 Swing States sur 6. Seul le Wisconsin échappe à l’hécatombe. Les marges de Donald Trump sont importantes : de 4 à 10 points. C’est au Nevada que l’actuel président des États-Unis accuse son plus grand retard. Les États pivots sondés sont cruciaux pour obtenir une majorité de Grands Électeurs (270 sur 538), rappelle le quotidien new-yorkais. Joe Biden les avait tous remportés en 2020. Aujourd’hui, selon ces mêmes prévisions Trump serait élu avec 300 Grands Électeurs.

Le coup au moral de l’équipe Biden n’est pas uniquement dû aux résultats inquiétants obtenus dans 5 Swing States. Les mauvaises nouvelles sont nombreuses : le président démocrate perd du terrain chez les jeunes et les minorités. Le vote traditionnellement acquis aux démocrates des Latinos en particulier décline sensiblement (+8 points pour Joe Biden). Plus grande est la diversité de l’État sondé par Siena College, plus Biden recule. La seule nouvelle positive vient du Wisconsin, un État assez blanc. Un seul constat : la coalition progressiste du 46e président se délite.

La tendance globale (la moyenne des 6 États) n’est pas plus réjouissante : Trump l’emporte avec 48% quand 44% des électeurs interrogés garderaient Joe Biden au pouvoir. Le pays va-t-il dans la bonne direction ? Non, répondent 60% des participants consultés sur la question. Ces mêmes personnes déclarent dans leur majorité que les politiques de Joe Biden les ont affectés négativement, tandis que les réformes mises en place par Donald Trump les ont aidés, qu’elles seraient prêtes à voter pour ce dernier même s’il était mis en examen mais pas s’il était condamné. Sur trois points centraux : l’économie, la politique étrangère et l’immigration, les électeurs sondés font davantage confiance à Donald Trump qu’à Joe Biden. Voilà un éclairage dont se serait bien passé le locataire de la Maison Blanche.

On ajoutera enfin que la Floride n’a pas été évaluée car elle n’est plus un « Battleground State ». En effet, l’ “État ensoleillé“ est désormais systématiquement coloré de rouge sur la carte électorale car il est considéré comme acquis au Parti républicain. Le président en exercice a également du souci à se faire au Michigan, autre État clé non sondé par Siena College, où la communauté d’origine arabe est bien implantée, notamment dans l’aire métropolitaine de Détroit. Suite aux représailles d’Israël à Gaza, les médias américains constatent une forte érosion du soutien des Arab Americans à la candidature de Biden, un appui qui fut essentiel à sa victoire dans l’État des Grands Lacs en 2020. Par ailleurs, l’Americano-palestinienne Rashida Tlaib, l’élue démocrate représentant ce district, a récemment accusé son propre président de “soutien à un génocide“, vidéo à l’appui.

David Axelrod met le feu aux poudres

La réaction de David Axelrod illustre bien l’ampleur du choc ressenti par les démocrates. Sur les réseaux sociaux, l’ex-conseiller de Barack Obama exprime ouvertement ses doutes, allant même jusqu’à envisager un retrait pur et simple de la campagne présidentielle du 46e président : « L’enjeu d’une erreur stratégique est trop important pour être ignoré. Si Biden décide de se retirer … . Lui seul peut prendre cette décision. S’il reste dans la course, il sera le candidat porté par les démocrates. Il doit décider si cela est sage, si cela est dans l’intérêt des États-Unis ou dans SON propre intérêt (NDLR : les majuscules sont de David Axelrod) ». Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Fort de son expérience en la matière, le stratège met les démocrates en garde : « il est très tard pour changer de cheval au milieu de la course », avant de préciser : « (…) mais il y a aussi beaucoup de personnes avec le leadership requis qui émergeraient au sein du Parti démocrate. ». C’est peu dire qu’avec ce genre de propos David Axelrod a lancé un beau pavé dans la mare.

Dans le camp Biden en revanche, on relativise. Pour Kevin Munoz, le porte-parole de la campagne BIDEN-HARRIS 2024, il est trop tôt pour conclure quoi que ce soit. « En 2011, Barack Obama, lui aussi, accumulait du retard sur Mitt Romney. À un an de l’élection présidentielle, son adversaire républicain le devançait alors de 8 points selon l’institut de sondage Gallup », déclare-t-il par écrit. Sur CNN, Axelrod acquiesce mais réplique aussitôt : « Premièrement, Barack Obama avait 50 ans, pas 81 ans. Deuxièmement : l’autre choix n’était pas Donald Trump. »

Joe Biden est trop âgé

Ce qui nous mène au problème récurrent de Joe Biden : la perception de son âge. 71% des sondés disent qu’il est trop âgé quand 39% disent la même chose pour Trump. En mai dernier déjà, un sondage commandé conjointement par le Washington Post et ABC News bousculait pas mal de monde. La conclusion à laquelle arrivaient les sondeurs au terme de leur enquête d’opinion avait de quoi alerter les pontes du parti : « 6 Américains sur 10 ne pensent pas Joe Biden capable d’assurer ses fonctions, au niveau physique et/ou mental. »

Les chiffres sont nettement meilleurs pour Trump concernant cette question qui semble devenir centrale dans la campagne alors que quatre ans à peine séparent les deux rivaux. Si Donald Trump revient à la Maison Blanche, il aura 78 ans le jour de l’investiture présidentielle. Joe Biden, lui, sera déjà octogénaire. Il aura 82 printemps le même jour, s’il remporte un second mandat.

À propos du sondage New York Times / Siena College : L’échantillon analysé par Siena College est composé de 3662 électeurs inscrits habitant les 6 Swing States susmentionnés. Ces derniers ont répondu à une enquête téléphonique réalisée entre le 22 octobre et le 3 novembre 2023. La marge d’erreur est comprise entre 4,4% à 4,8%. NB : Robert Kennedy Jr, anciennement candidat démocrate, aujourd’hui candidat indépendant, n’était pas inclus dans ce sondage.